À mes petits-enfants, Garance, Audran, Héloïse, Albane et Gabriel, dans l'espérance d'une France libérée des armes nucléaires.
« La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. ( ... ) Déjà, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive. ( ... ) Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous percevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison. »
Albert Camus, 8 août 1945, Combat
Deux jours après l'explosion de la bombe sur Hiroshima.
« Le désarmement, tout le monde en parle, personne n'en veut, c'est évident. On s'en gargarise dans les discours officiels ... Mais ce n'est pas sérieux, personne n'en veut en réalité, personne n'y songe sérieusement. Si on y songeait sérieusement, quel est le pays qui aurait le courage de déclarer la paix au monde ? Un pays qui dirait : « Moi, je désarme », désarmement unilatéral ? Ça serait, à travers le monde, une telle flambée de stupéfaction que là, peut-être, les choses changeraient. La France est LE pays le plus qualifié pour un geste pareil, un geste qui aurait un retentissement prodigieux - j'allais dire cosmique. Là, les choses changeraient. »
Théodore Monod, Les carnets de Théodore Monod
Introduction
Chapitre 1 : Les crimes d'Hiroshima et de Nagasaki
Chapitre 2 : La civilisation des machines
Chapitre 3 : « Des millions et des millions de morts ... »
Chapitre 4 : Les traités internationaux
Chapitre 5 : La non-crédibilité de la dissuasion nucléaire
française
Chapitre 6 : La question éthique et la réponse des chrétiens
Chapitre 7 : Le piège du principe de « multilatéralité »
Chapitre 8 : Un monde sans armes nucléaires ?
Chapitre 9 : La France nucléaire sous Jacques Chirac et
Nicolas Sarkozy
Chapitre 10 : La Conférence d'examen du TNP de mai 2010
Chapitre 11 : La profession de foi nucléaire de François Hollande Chapitre 12 : L'échec de la Rencontre de Vienne et
le « succès » du Sommet de Chicago
Chapitre 13 : Vers un traité d'interdiction des armes nucléaires ? Chapitre 14 : Vers le désarmement nucléaire unilatéral
de la France !
Conclusion : De l'impensabilité de l'acte nucléaire
Document 1 : Le risque nucléaire civil
Document 2 : Appel en faveur du désarmement
nucléaire unilatéral de la France
Document 3 : Pétition citoyenne en faveur du
désarmement nucléaire unilatéral de la France
Bibliographie
Lors de son intervention télévisée du 28 mars 2013, François Hollande a déclaré :
« Nous avons une arme nucléaire. On peut penser ce que l'on veut de cette arme nucléaire. Je sais qu'il y a un certain nombre de nos concitoyens qui y sont hostiles.» C'est certainement la première fois qu'un président de la République française reconnaît explicitement que des citoyens français sont hostiles à l'arme nucléaire. Dans un premier temps, on peut considérer que cette déclaration vaut reconnaissance. Jusqu'à présent, le langage politiquement correct faisait valoir qu'il existait un véritable « consensus » par lequel tous les Français adhéraient au dogme de la dissuasion nucléaire. Nous savons désormais qu'il n'en est rien. Au demeurant, il ne pouvait s'agir que d'un consensus par défaut, dans la mesure où les Français n'ont jamais été consultés. Désormais, ce sujet ne saurait plus être « tabou » (du polynésien tapu, « interdit, sacré »). D'autant plus que François Hollande ne suggère nullement que ces Français ne seraient que des « pacifistes» irresponsables. Il semble reconnaître la légitimité de leur pensée: « On peut penser, affirme-t-il, ce que l'on veut de cette arme nucléaire ... »
Et le président de la République entreprend de dialoguer avec ses concitoyens contestataires : « Moi, je leur dis : C'est notre protection, c'est notre garantie. Il faut la conserver et même la moderniser. » Mais cette justification de l'arme nucléaire ne saurait convaincre celles et ceux qui lui sont hostiles. Ils ont précisément la conviction raisonnée que l'arme nucléaire ne protège aucunement notre société des menaces qui pèsent sur elle, mais qu'au contraire, elle constitue elle-même une menace. C'est alors que, dans un second temps, on est tenté de prendre à revers la déclaration présidentielle. Rien n'est moins sûr en effet qu'on puisse « penser ce que l'on veut » de l'arme nucléaire de la France ... Celles et ceux qui contestent l'arme nucléaire n'envisagent nullement que l'on puisse penser raisonnablement que cette arme soit moralement acceptable, ni politiquement recevable, ni économiquement supportable, ni stratégiquement convenable ... Cependant, les déclarations de François Hollande gardent le mérite de permettre un débat citoyen sur la légitimité de l'arme nucléaire. C'est ce débat que je voudrais ouvrir dans ces pages.
Nul ne saurait disconvenir que l'existence même des armes nucléaires fait peser sur l'humanité une menace mortelle. C'est donc une exigence vitale de les éliminer toutes afin de prévenir le meurtre nucléaire de l'humanité. Cependant, les États dotés de l'arme nucléaire ne cessent d'affirmer qu'elle est le fondement de leur puissance, la garantie de la sécurité de leur peuple et une contribution majeure à la paix du monde. Et ils ont déjà programmé et financé à grands coups - à grands coûts ... - de milliards la modernisation de leur arsenal dans les décennies à venir. Bien que de nombreux États non dotés et de multiples organisations non gouvernementales dans le monde plaident pour la signature d'une Convention pour l'élimination mondiale des armes nucléaires, celle-ci apparaît fort improbable, sinon impossible dans un avenir prévisible.
Ce qui est effrayant dans la dissuasion nucléaire, au-delà des risques de mort et de destruction qu'elle fait peser sur l'humanité, c'est la déraison des hommes qui s'enferment dans une logique nihiliste de mort et de destruction.
La préparation du crime nucléaire est l’attentat le plus grave perpétré contre le caractère sacré de la vie humaine, en cela d'abord qu'elle fait peser une menace de mort sur des millions de personnes innocentes, et en cela surtout que, par elle-même, elle nie et renie la sacralité de l'humanité de l'homme, de tout homme et de tous les hommes. L'existence même de l'arme nucléaire consacre l'échec de toutes les morales, de toutes les philosophies, de toutes les spiritualités, de toutes les sagesses, de toutes les religions. La dissuasion nucléaire est la défaite de la raison, la défaite de la pensée, la défaite de l'intelligence, la défaite de l'humanité.
Il est certes de nombreuses questions philosophiques et politiques auxquelles nous ne saurions avoir des réponses définitives sans paraître faire preuve d'arrogance, de prétention, de présomption. La question de l'arme nucléaire n'est pas de celles-là. À l'arme nucléaire, l'homme raisonnable, l'homme moral, l'homme spirituel, l’homme sage, l'homme enfin ! ne peut qu'opposer un non catégorique et définitif.
L'arme nucléaire est sans conteste l'une des manifestations du « mal » qui hante et tourmente et afflige l'humanité. Mais, s'il le veut, l'homme peut avoir prise sur ce mal. S'il le veut, il peut décider de le supprimer. Il existe de nombreux problèmes dont la solution est complexe, incertaine, difficile, parfois même impossible. Mais, contrairement à l'avis des «experts» qui ont besoin de la complexité des choses pour exercer leur métier, le problème de l'arme nucléaire nous offre une solution possible : il faut « simplement » que nous décidions de vouloir y renoncer. Pour autant, il n'est pas simple de le vouloir. La décision est difficile, car de multiples raisons qui sont autant de sophismes risquent d'entraver notre volonté.
L'enjeu de l'arme nucléaire est certes militaire ; il est aussi politique, mais il est en premier lieu moral, éthique, philosophique et spirituel. Il ne s'agit pas d'abord de savoir par quels moyens nous devons défendre notre société, mais de savoir quelle société nous voulons défendre. Il s'agit de savoir quelles sont les valeurs de la civilisation qui donnent sens à notre propre existence et à l'histoire humaine et pour la défense desquelles il convient de prendre des risques. La menace de l'arme nucléaire, qui implique par elle-même le consentement au meurtre de millions d'innocents, est le reniement de toutes les valeurs qui fondent et constituent la civilisation. Aucun être humain, s'il veut rester digne, ne saurait donner ce consentement. Pour chacun, l'acceptation ou le refus de l'arme nucléaire est un choix existentiel. De même qu'en acceptant de cautionner la dissuasion nucléaire, l'homme choisit de vivre en portant personnellement une arme, de même en objectant en conscience à l'arme nucléaire il se désarme personnellement. En affirmant publiquement cette objection de ma conscience, je deviens responsable ... Je deviens citoyen ... J'existe en tant que citoyen... Il appartient ainsi à chacun de désobéir à la Bombe.
L'une des insistances privilégiées de ce livre sera d'affirmer que nous, citoyens français, nous avons la responsabilité pleine et entière de décider ici et maintenant de refuser de nous accommoder de la préméditation du crime nucléaire qui se trouve au cœur de la dissuasion nucléaire mise en œuvre par notre pays. Nous ne saurions attendre des lendemains improbables qui chanteront le désarmement mondial parce que tous les États nucléaires auront décidé d'un commun accord de désarmer de façon multilatérale. Pendant tout ce temps d'attente, pendant cette « éternité » - au sens du Petit Robert : « un temps fort long » - nous ne saurions rester complices de la menace du meurtre nucléaire qui s'exerce en notre nom. Dès lors que l'élimination mondiale des armes nucléaires apparaît hors de portée, il nous appartient d'exercer dès aujourd'hui notre pouvoir de citoyen pour contraindre nos dirigeants politiques à décider le désarmement nucléaire unilatéral de la France. Cette idée reviendra comme un leitmotiv tout au long de ces pages. Le désarmement nucléaire unilatéral de la France s'impose pour des raisons indissociablement éthiques, politiques et stratégiques. Je le dirai et le redirai au risque de me répéter.
Je reconnais volontiers que ce livre est celui d'un « militant ». Je l'assume et le revendique haut et fort. Pourtant, j'ai bien conscience que le militant a mauvaise réputation. On lui reproche volontiers d'être un « activiste », qui agit par « idéologie ». Il n'est pas sans signification que le mot militant ait la même racine étymologique que le mot militaire (du latin miles : soldat). L’homme raisonnable se méfie du militant. Parce qu'il prend parti, ne lui reproche-t-on pas de verser dans l'intolérance ? Le militant est suspect d'avoir des idées trop arrêtées pour être encore capable de réfléchir. Certes, nul ne met en doute que le militant soit un homme de conviction, mais, paradoxalement, c'est précisément pour cela qu'on met en doute qu'il puisse être un homme de réflexion.
Celui qui justifie la dissuasion nucléaire est un « expert », tandis que celui qui la conteste est un « militant », et le militant ne saurait se faire passer pour un expert ... Bien sûr, l'expert « milite » pour la dissuasion nucléaire, mais il prend garde de ne pas le revendiquer ... Surtout, sa militance est légère. Point n'est besoin pour lui de descendre dans la rue avec des pancartes et des banderoles pour faire œuvre de contestation. Il lui suffit d'expliquer aux citoyens ignorants les raisons pour lesquelles la dissuasion nucléaire assure leur sécurité. Son analyse se prétend objective, elle observe la réalité telle qu'elle est ... L'expert est un observateur et un commentateur. Il observe les faits et les commente. Il voudrait faire croire qu'il n'a pas d'opinion personnelle. En réalité, c'est de conviction personnelle dont il est dépourvu. Le militant, lui, c'est vrai, a une conviction personnelle. Son analyse est donc jugée subjective. C'est pourquoi l'expert n'accorde aucun crédit aux dires du militant. L'expert veut être un homme réaliste. Il tient compte de la réalité, mais il s'y soumet. Il juge donc sévèrement l'idéalisme supposé du militant qui a la naïveté de prétendre changer le monde. M'est avis au contraire que la militance est le vrai réalisme qui tient le plus grand compte de la réalité, mais refuse de s'en accommoder.
Au demeurant, je me trouve en bonne compagnie. Au cours de celle étude, je rendrai visite à Albert Camus, Georges Bernanos, Jean Rostand, Claude Bourdet, Lanza del Vasto et Théodore Monod qui, tous, ont « milité » contre la Bombe avec la plus grande conviction. C'est à leur école que je dirai que l'arme nucléaire n'est pas un moyen légitime de défense, mais un moyen criminel de terreur, de destruction, de dévastation et d'anéantissement.
Si l'homme avait été sage, il n'aurait jamais inventé l'arme nucléaire.
« J'affirme, disait Gandhi, que celui qui a inventé la bombe atomique a commis la plus grande faute dans le domaine de la science. »² Ayant eu la folie de l'inventer, l'homme n'a pas eu la sagesse d'y renoncer. Comme si la transgression commise par l'invention de l'arme nucléaire avait créé l'irréparable. Nul, disent les sots, ne désinventera l'arme nucléaire. Certes, nul n'effacera la découverte scientifique et technologique de la bombe atomique, mais là n'est pas la question. « Désinventer » l'arme nucléaire, c'est oser l'acte de la pensée par lequel l'homme peut renoncer à posséder l’arme nucléaire et effacer ainsi l'acte de la pensée par lequel il a voulu la posséder. Effacer l'acte de la pensée qui a nié l'exigence morale par un acte de la pensée qui restitue à l'homme son humanité.
La contestation de l'arme nucléaire pose, avec rigueur, la question du sens à donner à l'histoire humaine. Elle est la contestation de ce qui est, mais qui ne devrait pas être. La contestation de ce qui est comme attestation de ce qui doit être. La contestation de l'insensé comme revendication d'une histoire sensée. Le sens de l'histoire, ce n'est pas celui que l'histoire imposerait aux hommes, c'est celui que les hommes doivent imposer à l'histoire.
C'est pourquoi, pour nous citoyens français, l'un des défis majeurs qui nous est posé en ce début du XXIᵉ siècle est de libérer la France de l’arme nucléaire.
2. Gandhi, The Collected Works of Mahatma Gandhi, Ahmedabad, The Publications Division, Ministry of Information and Broadcasting, Government of India, 1983, Vol. 87. p. 355.
Au terme d'une analyse rigoureuse des tenants et des aboutissements de la dissuasion nucléaire en France et dans le monde, Jean-Marie Muller conclut qu'il est urgent de délégitimer l’arme nucléaire. La dissuasion française n'est ni moralement, ni politiquement, ni stratégiquement, ni économiquement acceptable.
L'arme nucléaire n'est pas une arme légitime de défense, mais une arme criminelle de terreur, de destruction, de dévastation et d'anéantissement. Pour la société française, elle n'est pas une protection mais une menace.
Certes, le désarmement mondial est souhaitable, mais la doctrine du désarmement mondial multilatéral, progressif et simultané, depuis qu'elle est répétée tout au long des ans, a donné la preuve qu'elle est parfaitement stérile et inopérante. Le moment est venu de la remettre fondamentalement en cause.
Cette rhétorique multilatérale est funeste et fallacieuse. Elle ne fait que cautionner le désordre nucléaire établi qui menace, par la double prolifération verticale et horizontale, l'humanité jusque dans sa survie. Le désarmement nucléaire ne sera possible que si les citoyens des états dotés se mobilisent au sein des institutions et des organisations de la société civile pour imposer à leur gouvernement un désarmement unilatéral.
Dans un monde malade de désespérance, il devient alors possible d'espérer briser l'idole nucléaire.
Membre-fondateur du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN), Jean-Marie Muller est directeur des études à l'Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC).
Philosophe et écrivain, il est l'auteur de nombreux ouvrages sur la non-violence qui sont reconnus comme des ouvrages de référence. Plusieurs ont été publiés à l'étranger. Conférencier et formateur, il parcourt le monde à l'invitation de mouvements de défense des droits de l'homme.
Jean-Marie Muller est le lauréat 2013 du Prix international de la Fondation indienne Jamnalal Bajaj pour la promotion des valeurs gandhiennes en dehors de l'Inde.
Le 8 août 1945, deux jours après l'explosion de la bombe atomique sur Hiroshima et un jour avant qu'une seconde bombe soit lancée sur Nagasaki, Albert Camus publie dans Combat un article dans lequel il écrit :
« Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. »
Camus s'indigne devant « les commentaires enthousiastes » qui saluent cette performance technologique. Une telle célébration lui paraît indécente. Il résume son propre commentaire en une phrase : « La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »
Certes, dans un monde livré à la violence, nul ne saurait s'étonner que « la science se consacre au meurtre organisé ». Mais il n'est pas supportable que les hommes s'enorgueillissent de s'être dotés d'une telle puissance de destruction. « Déjà, écrit-il, on ne respirait pas facilement dans un monde torturé. Voici qu'une angoisse nouvelle nous est proposée, qui a toutes les chances d'être définitive. »
Face à un événement aussi tragique, Camus veut plaider en faveur d'une véritable société internationale « où la guerre, fléau devenu définitif par le seul effet de l'intelligence humaine, ne dépendra plus des appétits ou les doctrines de tel ou tel État ». Il conclut : « Devant les perspectives terrifiantes qui s'ouvrent à l'humanité, nous percevons encore mieux que la paix est le seul combat qui vaille d'être mené. Ce n'est plus une prière, mais un ordre qui doit monter des peuples vers les gouvernements, l'ordre de choisir définitivement entre l'enfer et la raison. »
Malheureusement, plus de soixante ans après les tragédies d'Hiroshima et de Nagasaki, force est de reconnaître que cet ordre n'est pas venu et que la prolifération de l'arme nucléaire constitue l'une des plus graves menaces sur la paix du monde.
L'affirmation selon laquelle l'emploi des armes nucléaires serait un crime contre l'humanité et la civilisation est certes un jugement éthique : l'emploi de l'arme nucléaire serait le reniement de toutes les valeurs humaines qui fondent la civilisation. Mais cette affirmation ne doit pas être considérée seulement comme un principe moral qui soulignerait l'intention criminelle d'un tel acte ; elle doit être comprise aussi et surtout comme la condamnation d'un crime qui aurait des conséquences irréparables pour l'humanité et la civilisation. Le crime nucléaire est constitué essentiellement par le meurtre de millions d'innocents, par la dévastation de territoires entiers, par des atteintes définitives portées à l'environnement. La réalité la plus tragique du crime n'est pas l'immoralité du criminel, mais le malheur des victimes.
Il est remarquable que les responsables politiques qui justifient la dissuasion nucléaire envisagent sereinement la possibilité de l'emploi de l'arme nucléaire sans prendre aucunement en considération quelles seraient les conséquences absolument dramatiques de ces frappes nucléaires pour les autres et pour nous-mêmes, pour la Terre et pour l'humanité. Ils sont dans le déni le plus total de la réalité des destructions illimitées qui seraient provoquées. Ce déni les conduit à faire preuve d'irresponsabilité.
De même, les experts ès nucléaire militaire développent tranquillement leurs analyses politico-stratégiques qui voudraient nous convaincre que la dissuasion nucléaire est un facteur d'équilibre, de stabilité et de paix dans un monde dangereux. Ces technocrates envisagent tranquillement la possibilité de « frappes d'avertissement » qui permettraient de dénouer une crise internationale. Mais sans jamais visualiser ce que serait la tragédie provoquée par ces frappes. Combien de milliers, combien de millions de morts seraient-ils provoqués par l'emploi de l'arme nucléaire ? Combien d'Hiroshima ? À aucun moment, dans aucune crise internationale, la menace de l'emploi de l'arme nucléaire ne pourrait être opérationnelle. La menace serait dépourvue de toute crédibilité parce que l'emploi provoquerait la pire des catastrophes humaines qui serait totalement ingérable.
Il est toujours facile d'élaborer en chambre, d'écrire ou de proclamer sur une estrade une rhétorique vantant les mérites de la dissuasion nucléaire en assurant qu'elle est garante à la fois de la grandeur de la France et de la sécurité des Français. Mais lorsque survient le moment du passage à l'acte qui est l'épreuve de vérité de la dissuasion nucléaire, il apparaît clairement que la rhétorique n'a aucune prise sur la réalité. La rationalité supposée de la doctrine s'efface alors pour céder la place à l'irrationalité la plus totale. Le passage à l'acte nucléaire apparaît alors véritablement injustifiable. Irréalisable. Inconcevable. Invraisemblable. In-imaginable. Incroyable. Insoutenable. Inintelligible. Irréaliste. Et, surtout, irresponsable.
Ainsi, on peut entretenir l'illusion que la dissuasion sert à quelque chose
tant qu'on n'a pas à s'en servir. C'est précisément parce qu'elle ne sert à rien qu'on a le loisir de croire qu'elle sert à quelque chose. C'est seulement au moment où l'on voudrait s'en servir qu'il faudrait se rendre à l'évidence qu'elle ne peut servir à rien. La pile Wonder, disait naguère la publicité, ne s'use que si l'on s'en sert ; la dissuasion nucléaire, elle, ne sert que si l'on n'en use pas. Étant inutilisable en temps de guerre, elle est évidemment inutile en temps de paix.
Le passage raisonnable à l'acte nucléaire est impossible tout simplement parce qu'il est impensable. Le moindre des actes nucléaires provoquerait une catastrophe humaine aux conséquences irréparables. Face à la préméditation du crime nucléaire qui fonde la dissuasion, les impératifs de l'éthique de responsabilité rejoignent très précisément ceux de l'éthique de conviction pour affirmer l'impensabilité de l'acte nucléaire. Dès que la raison veut penser l'acte nucléaire, elle se heurte à un obstacle infranchissable. C'est cela qui est décisif : l'acte nucléaire ne peut pas être pensé. Et cela est définitif.
C'est pourquoi le renoncement à l'arme nucléaire est un impératif catégorique tant du point de vue de l'exigence éthique que du réalisme politique. Dès lors, aucune raison ne saurait servir de prétexte pour un peuple de vouloir justifier le maintien de la dissuasion nucléaire. Selon toute vraisemblance, les décideurs politiques, prisonniers du dogme nucléaire, n'auront ni la lucidité ni le courage de prendre la décision de désarmer unilatéralement. Ne nous y trompons pas : la logique nucléaire des hommes d'État - des
hommes de l'État - ne procède pas d'un choix politique raisonné, mais
d'une croyance irrationnelle dans une idole dont ils attendent grandeur et
puissance. L'une et l'autre étant parfaitement illusoires. Et il est toujours
difficile de briser les idoles. La croyance des hommes en l'arme nucléaire comme symbole de la puissance est l'un des plus formidables envoûtements auquel l'humanité ait jamais succombé. Il signifie l'aliénation de la conscience, l'asservissement de la raison et s'apparente à un véritable ensorcellement.
Il appartient donc aux citoyens de prendre souverainement la décision du désarmement nucléaire unilatéral. Face au défi auquel nous sommes confrontés, seul le désarmement unilatéral a un sens et une efficacité : seul celui-ci fait sens.
Lorsque Victor Hugo prononça le 15 septembre 1848 son discours contre la peine de mort devant l'Assemblée constituante, il pouvait douter qu'il obtiendrait gain de cause dans l'immédiat, mais il ne doutait pas qu'il avait raison de demander de consacrer « l'inviolabilité de la vie humaine ».
« Qu'est-ce que la peine mort, interrogeait-il ? La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine, (...) Le XVIIème siècle, c'est là une partie de sa gloire, a aboli la torture : le XIXème siècle abolira la peine de mort. Vous ne l'abolirez pas peut-être aujourd'hui ; mais n'en doutez pas, demain vous l'abolirez, ou vos successeurs l'aboliront. » Certes, Victor Hugo devra attendre jusqu'au 9 octobre 1981 pour qu'une loi abolissant la peine de mort soit promulguée en France, et jusqu'au 19 octobre 2007 pour que son interdiction soit inscrite dans la Constitution française, mais il finira par obtenir gain de cause... Au demeurant, il est remarquable qu'à ce jour, aucune convention pour l'abolition mondiale de la peine de mort n'a pu être signée et que dans de nombreux pays, dont les États-Unis, la barbarie domine encore.
Nous ne saurions en douter : l'arme nucléaire est également le signe éternel de la barbarie. Partout où le meurtre nucléaire est prémédité, la barbarie domine. Patrick Viveret a bien exprimé l'exigence éthique qui doit nous conduire à combattre les causes qui « conduisent l'humanité à risquer d'être victime de sa propre barbarie intérieure ». « Un pays comme la France, écrit-il, peut prendre des initiatives très fortes alliant sa propre renonciation aux armes nucléaires à une politique européenne et mondiale allant dans le sens du désarmement. L'Europe, qui a payé le prix lourd pour apprendre que la barbarie peut naître au cœur de la civilisation, peut être motrice dans ce sens. Elle-même ne peut construire une défense commune sur les vieux concepts de la géopolitique de puissance. Elle se doit d'avoir une politique planétaire au service de la construction d'une civilité mondiale dont le socle doit être la reconnaissance à tout être humain d'une citoyenneté terrienne. »
De même que le citoyen qui demandait son abolition avait déjà remporté une victoire sur la barbarie de la peine de mort, de même chaque citoyen qui demande son abolition a déjà remporté une victoire sur la barbarie de l'arme nucléaire. Quand est-ce que le désarmement nucléaire unilatéral de la France sera effectif ? Nul ne saurait le prédire. Mais si les probabilités du désarmement nucléaire universel sont virtuelles, celles du désarmement nucléaire unilatéral de la France sont réelles.
Est-il possible d'espérer que ce soient la conscience et la raison qui nous fassent renoncer à la préméditation du crime nucléaire plutôt que la peur ? La dissuasion nucléaire peut nous apparaître comme une fatalité de l'histoire. Mais en réalité c'est une fatalité tout entière construite de mains d'hommes. Ce qui signifie que les hommes, avec leurs mains désarmées, peuvent la déconstruire.
Pour ne pas tuer l'espérance de nos enfants.
Le risque nucléaire n'est pas seulement militaire, il est aussi civil. Hiroshima rime désormais avec Fukushima. Chacun de ces deux noms évoque une tragédie infinie qui marque la défaite de la civilisation industrielle. Il existe de nombreuses passerelles technologiques entre l'industrie nucléaire civile et l'industrie nucléaire militaire. Cependant, du point de vue éthique, les risques nucléaires civil et militaire ne sont pas de même nature. En soi, la finalité du nucléaire civil - produire de l'énergie - n'est pas moralement inacceptable. Mais, en fait, les modalités de la mise en œuvre du nucléaire civil, si elles ne sont pas criminelles comme le sont celles du nucléaire militaire, sont lourdes de menaces potentiellement mortelles. Dès lors, elles ne sont pas moralement acceptables.
L'énergie nucléaire, disaient-ils, est l'énergie de l'avenir. En réalité, la construction et l'exploitation des centrales nucléaires font courir des risques inconsidérés à la sécurité des populations civiles. Quand toutes les précautions ont été prises, la probabilité d'un accident nucléaire majeur reste non nulle. Les conséquences prévisibles d'un accident sont d'une telle ampleur que le principe de précaution exige de ne pas en prendre le risque. Par ailleurs, l'électricité nucléaire génère des milliers de tonnes de déchets dont la haute radioactivité durera des milliers d'années et dont personne ne sait que faire.
Les décisions concernant l'industrie nucléaire se font dans un secret dont l'opacité constitue un déni de démocratie. Celle-ci se trouve mise à mal par les technocraties étatique et financière. L'ignorance dans laquelle le peuple souverain est maintenu met à mal le pacte social républicain.
Nos sociétés industrielles sont mises au défi de décider les modalités d'une transition leur permettant de vivre dans une sobriété énergétique qui opère une réduction significative de la consommation d'énergie. La décroissance énergétique n'est pas une utopie, elle est une nécessité vitale. Dans le même temps, l'urgence est d'investir dans des modes de production d'énergies renouvelables respectueuses de l'environnement.
Somme toute, le désarmement nucléaire militaire est plus simple que la renonciation au nucléaire civil. Tout d'abord, comme nous l'avons vu, le nucléaire militaire n'exige aucune alternative, mais il n'en est pas de même du nucléaire civil. De ce fait même, l'abandon du nucléaire civil ne peut pas être immédiat. Il exige une transition, mais il n'en est pas de même pour le désarmement nucléaire. Point n'est besoin d'aller chercher je ne sais quel objectif intermédiaire. Dès que la décision politique est prise de renoncer à l'arme nucléaire, le désarmement nucléaire militaire est immédiat. Il ne reste que les problèmes purement techniques du démantèlement à régler et ils ne posent aucune difficulté majeure. Les ingénieurs et les techniciens qui ont su construire l'arme nucléaire sauront la déconstruire. En revanche, la renonciation à l'énergie nucléaire civile exige une transition qui permette le développement d'autres énergies.
Un point mérite d'être souligné. Ceux qui luttent en France contre le nucléaire civil souhaitent assurément la dénucléarisation mondiale. Mais ils n'attendent pas un accord multilatéral signé par tous les États pour exiger la dénucléarisation unilatérale de la France. De ce point de vue, il existe une analogie parfaite entre la stratégie du désarmement militaire et celle de la dénucléarisation civile.
Que tout emploi d'arme nucléaire soit un crime, cela a été clairement affirmé par l'ONU dès 1961 : « Tout État qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l'humanité et commettant un crime contre l'humanité et la civilisation. » (résolution du 24 novembre 1961). Trop peu en ont tiré la conclusion logique : si l'emploi des armes nucléaires est un « crime contre l'humanité », la seule menace d'y recourir est d'ores et déjà criminelle. Or c'est sur une telle menace que reposent les stratégies dites « de dissuasion nucléaire ».
Certes, l'argument moral ne convaincra probablement pas les décideurs politiques et militaires. Dans ce domaine comme en bien d'autres, un prétendu réalisme prétend toujours récuser un prétendu moralisme. Il convient donc de convaincre les décideurs que l'immoralité intrinsèque de l'arme nucléaire se double de son infaisabilité stratégique : le simple réalisme oblige à reconnaître que les armes nucléaires ne nous protègent d'aucune des menaces qui peuvent peser sur notre sécurité. Elles sont notamment incapables de dissuader le moindre terrorisme. Par contre, leur possession même constitue une menace non seulement pour d'autres peuples mais aussi pour nous-mêmes.
En réalité, la véritable raison de la dissuasion nucléaire n'est pas d'assurer la défense de la population, mais de conférer à l'État un simulacre de puissance, celle-ci n'étant qu'une puissance de destruction et d'anéantissement.
En maintenant et en modernisant son système d'armes nucléaires, la France ne peut qu'encourager la prolifération mondiale : s'il prétend que l'arme nucléaire est la garantie de la sécurité des Français, comment l'Etat français peut-il demander aux peuples non dotés de l'arme nucléaire de renoncer à la posséder ?
Ainsi, le désarmement nucléaire satisferait aussi bien les exigences de « l'éthique de conviction » que celles de « l'éthique de responsabilité ». Et les unes sont aussi impérieuses que les autres.
La dissuasion nucléaire, en outre, exige des citoyens qu'ils abandonnent leur destin à la seule décision du président de la République. L'arme nucléaire implique donc, par une nécessité organique, « l'exercice solitaire du pouvoir ». Tout le processus de développement du système de la dissuasion nucléaire a été et reste entièrement opaque a tout contrôle citoyen.
Enfin, l'équipement en armes nucléaires engloutit des sommes considérables. Le coût de l'arsenal nucléaire français de 1945 à 2010 est estimé à 228,67 milliards d'euros. Alors qu'on nous répète que le pays traverse une grave crise, la loi de programmation militaire (2009-2014) prévoit pour la dissuasion nucléaire un budget annuel moyen de 3.3 milliards d'euros : 2,3 milliards pour moderniser nos armes, et 1 milliard d'euros pour leur soutien et mise en œuvre. Ces investissements, directement financés par les impôts, ne sont pas socialement utiles. Ils sont parmi ceux qui produisent le moins d'emplois. Il n'est donc nullement démagogique d'affirmer que ces sommes seraient mieux utilisées dans d'autres secteurs de l'économie, notamment dans les services publics à la population, aujourd'hui menacés.
La dissuasion nucléaire est donc immorale, irréaliste, dangereuse et coûteuse. Nombreux sont ceux qui en sont convaincus et partagent l'espoir d'un monde sans armes nucléaires. Mais cet espoir risque fort d'être déçu : il faudrait attendre que toutes les puissances nucléaires se mettent d'accord pour une telle abolition générale. C'est oublier notre propre responsabilité de citoyens d'un pays nucléaire : nous ne sommes pas directement responsables du désarmement mondial, mais nous le sommes entièrement du désarmement nucléaire de notre pays. Il nous appartient de construire la paix et la sécurité dans une France sans armes nucléaires.
C'est pourquoi, sans attendre l'abolition générale des armes nucléaires par une convention internationale encore et toujours hypothétique, nous estimons que pour nous, citoyens français, il est de notre responsabilité de demander dès à présent :
le désarmement nucléaire unilatéral de la France
Le désarmement nucléaire unilatéral de notre pays est possible si les Français le veulent. Mais jusqu'à présent, ils n'ont jamais eu la possibilité d'en débattre pour dire s'ils le veulent ou s'ils ne le veulent pas; c'est ce débat qu'il est urgent de susciter. Les Français doivent pouvoir exprimer en toute liberté leur volonté de renoncer à l'arme nucléaire.
Afin que les citoyens français exercent effectivement ce pouvoir de décision, il convient d'envisager l'organisation d'un référendum d'initiative populaire, puisque c'est, dans une démocratie, le seul moyen de donner au peuple souverain la possibilité de s'exprimer sur une question vitale.
Olivier Abel, philosophe, Guy Aurenche, avocat honoraire, Maria Biedrawa, présidente du Mouvement international de la réconciliation (MIR), Paul Blanquart, sociologue, écrivain, Simone de Bollardiére, Bernard Boudouresque, prêtre de la Mission de France, ancien ingénieur au Commissariat de l'énergie atomique (CEA), José de Broucker, journaliste, Thierry Castelbou, directeur de publication du journal Gardorem lo Larzac, Bernard Dangeard, responsable de la communauté francophone de l'Arche de Lanza del Vasto, Bernard Drèano, président de l'Assemblée européenne des citoyens (HCA, France), Hélène Dupont, secrétaire de l'association Partenia 2000, Isabelle Filliozat, psychologue, psychothérapeute, écrivaine, Dominique Fontaine, vicaire général de la Mission de France, Bernard Ginisty, philosophe, Étienne Godinot, président de l'Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC), Françoise Héritier, anthropologue, professeur honoraire au Collège de France, Stéphane Hessel, ambassadeur de France, Albert Jacquard, généticien, Patrick Jimena, initiateur du Festival Camino Agir pour la non-violence, Gustave Massiah, économiste, Olivier Maurel, écrivain, Christian Mellon, jésuite, membre du Centre de recherche et d'action sociales (CERAS), Philippe Meirieu, professeur à l'Université Lyon Il, Jean Merckaert, rédacteur en chef de la revue Projet, Edgar Morin, philosophe et sociologue, Jacques Muller, ancien sénateur, Jean-Marie Muller, philosophe, écrivain, porte-parole du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN), Antoine Nouis, directeur de publication de la revue Réforme, Jean-Paul Nunez, pasteur, vice-président du MIR, Richard Pétris, directeur de l'École de la Paix, Bernard Quelquejeu, dominicain, philosophe, Pierre Rabhi, paysan, écrivain et philosophe français d'origine algérienne, Alain Refalo, enseignant, fondateur du Centre de ressources sur la non-violence de Midi-Pyrénées, Matthieu Ricard, moine bouddhiste, écrivain, Alain Richard, franciscain, Jacques Richard, docteur en médecine, lama Denys Rinpochè, supérieur de la communauté bouddhiste Dachang Rimay, Jean-Pierre Schmitz, président de la fédération Réseaux du Parvis, Antoine Sondag, prêtre, Bernard Stephan, PDG de Témoignage Chrétien, Alain Touraine, directeur d'études à l’école des hautes études en sciences sociales, Marlène Tuininga, journaliste, membre de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (WILPF), Didier Vanhoutte, ancien président de la fédération Reseaux du Parvis, François Vaillant, rédacteur en chef de la revue Alternatives non-violentes, Paul Virilio, philosophe, écrivain, Patrick Viveret, philosophe, écrivain.
Citoyen français, j'ai conscience que notre dissuasion nucléaire, présentée comme « l'assurance-vie » de notre pays, est :
- criminelle, parce que sa mise en œuvre conduirait à la mort de millions de civils innocents, constituant ainsi « un crime contre l'Humanité et la civilisation » (résolution des Nations Unies du 24 novembre 1961),
- inefficace, parce qu'elle ne nous protège d'aucune des menaces, terroriste, économique, écologique, etc. qui peuvent peser sur notre sécurité,
- coûteuse, de l'ordre de 3,5 milliards d'euros par an alors que ces investissements directement financés par les impôts ne sont pas socialement utiles et sont parmi ceux qui produisent le moins d'emplois,
- polluante et redoutable par les accidents qu'elle peut provoquer et les déchets nucléaires qu'elle génère,
- dangereuse pour notre démocratie, parce que le processus de la dissuasion nucléaire est opaque à tout contrôle citoyen.
En réalité, la véritable raison de la dissuasion nucléaire n'est pas d'assurer la défense de la population, mais de conférer à l'État un simulacre de puissance.
La préméditation du meurtre nucléaire constitue de fait la négation de toutes les valeurs d'humanité qui fondent notre civilisation.
En poursuivant la modernisation de son système d'armes nucléaires, la France ne peut qu'encourager la prolifération mondiale.
C'est pourquoi, sans attendre un accord encore hypothétique de l'ensemble des pays sur une convention internationale d'élimination totale des armes nucléaires, j'estime qu'il est de ma responsabilité de demander le désarmement nucléaire unilatéral de la France.
Dès à présent, je soutiens l'instauration d'un débat démocratique permettant à l'ensemble des français de se saisir de cette question, débat au terme duquel ils devront avoir la possibilité de décider en conscience.
Cette pétition est proposée dans le cadre de la campagne organisée par le Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) pour « Une France sans armes nucléaires » : www.francesansarmesnucleaires.fr