L'IMPÉRATIF DE DÉSOBEISSANCE

L'impératif de désobéisance
L'impératif de désobéissance
Il faut beaucoup d'indisciplinés pour faire un peuple libre.

                                                                          Georges Bernanos

Table des matières

Prologue

Les pionniers

     Visite à Étienne de la Boétie

     Visite à John Locke

     Visite à Henry David Thoreau

     Visite à Tolstoï

Les grandes campagnes

     Gandhi, artisan de l'indépendance de l'Inde

     Désobéir au nazisme

     Le combat de Martin Luther King

     À l'Est, désobéir au mensonge d'État

La désobéissance civile garante de la démocratie

     Visite à John Rawls

     Visite à Jürgen Habermas

     Visite à Ronald Dworkin

     Un civisme de dissentiment

Concept et stratégie

     Du concept de « désobéissance civile »

     Stratégie de la désobéissance civile

La désobéissance civile à l'heure française

     Les premières campagnes

     Quelques luttes d'aujourd'hui

Épilogue

Bibliographie

 

Epilogue

« Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer sa conscience au législateur ? À quoi bon la conscience individuelle alors ? Je crois que nous devrions être hommes d'abord et sujets ensuite. Il n'est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. »

Ainsi Henry David Thoreau définit-il la responsabilité du citoyen à l'égard de la loi. Les deux dernières propositions ont la simplicité de l'évidence. Elles en ont la pureté et la force. Elles ne peuvent être qu'approuvées, confirmées, ratifiées par toutes les philosophies, toutes les spiritualités, toutes les sagesses. Elles expriment une vocation universelle de l'être humain. Elles devraient s'inscrire au cœur de toutes les cultures, de toutes les civilisations.

En définitive, la principale vertu du bon citoyen, n'est ni l'obéissance ni la désobéissance, elle est la responsabilité éthique qui doit le conduire, en chaque circonstance, à choisir politiquement ce qui a le plus de chances de réduire la violence parmi les hommes, le plus de chances de favoriser la justice, la dignité, la liberté dans la société et dans le monde. C'est sous le sceau de cette responsabilité qu'il obéira ou désobéira à l'ordre, au commandement, à l'injonction, au décret, à la loi des autorités et des pouvoirs établis.

Pour le citoyen responsable, la légalité ne sera jamais un critère de moralité. Sans prétendre à une quelconque pureté - le purisme n'est pas un idéal moral non plus qu'un comportement politique -, il convient d'exercer une vigilance citoyenne permanente à l'égard de l'injustice des lois. La vie est faite d'accommodements, de compromis, mais chacun doit craindre de se laisser enfermer dans des compromissions indignes, tant la capacité de résignation de l'individu est plus grande que sa capacité d'indignation, son aptitude à la soumission plus grande que son aptitude à la révolte.

Limpératif éthique qui conduit le citoyen à désobéir à un ordre ou à une loi injuste instaurés par le pouvoir est contraire à l'idéologie que ce même pouvoir entend faire prévaloir. Par principe, l'idéologie du pouvoir est une idéologie de l'obéissance. Partout et toujours cette idéologie prétend établir et maintenir l'ordre. La loi et l'ordre seraient liés par un lien organique et indéfectible.

Dès lors, la désobéissance à la loi serait nécessairement un dés-ordre et le citoyen-désobéisseur un délinquant (du verbe latin delinquere : manquer à son devoir, commettre une faute). Un principe qui fait mettre en prison tous les indisciplinés du monde. Un principe qui est justifié par tous les hommes d'État au nom de l'ordre, mais qui est aussi accepté par la majorité silencieuse des citoyens effrayés par le désordre. Il importe donc de rompre avec l'idéologie du pouvoir qui prétend fonder l'ordre sur l'obéissance à la loi et lui substituer une philosophie des droits de l'homme qui fonde l'ordre sur la justice de la loi. Cette rupture participe d'une véritable révolution culturelle.

Certes, la désobéissance aux lois justes est une faute civique qui mérite sanction - une sanction juste. Mais la désobéissance aux lois injustes est un devoir moral. La désobéissance civile est la respiration de la démocratie. Ce qui étrangle la démocratie, c'est l'obéissance servile aux lois injustes. Elle est une faute, mais qui, par principe, demeure toujours impunie en vertu de la loi.

À ceux qui croient pouvoir avancer l'objection classique selon laquelle prôner la désobéissance civile ne peut qu'engendrer le désordre, il faut demander d'être attentifs à l'histoire des sociétés : les citoyens choisissent toujours plus facilement d'obéir aux lois injustes que de désobéir aux lois justes. Dire que la désobéissance civile aux lois injustes serait une invitation à désobéir aux lois justes est un argument de convenance qui n'a aucune consistance. Ce qui menace la démocratie, aujourd'hui comme hier, ce n'est pas la désobéissance civile, mais l'obéissance servile. C'est celle-ci qui est le ciment de l'ordre - ou du désordre - établi. Presque toujours, la pesanteur sociale des lois conduit à privilégier les contraintes de l'ordre par rapport aux exigences de la justice.

Oh, bien sûr, dans un « ordre établ i» injuste, toute lutte pour la justice sera dénoncée comme un désordre par les pouvoirs qui ne manqueront pas d'agiter le risque du chaos et de l'« anarchie ». Mais il ne faut pas se laisser impressionner par de telles admonestations.

Ne sous-estimons pas le risque que le règne de la loi et de l'ordre devienne une dictature. Pas forcément une dictature qui emprisonne et qui torture, mais plus probablement une dictature qui anesthésie les consciences et endort les volontés dans l'assujettissement à l'habitude et à la normalité.

Sans conteste, la désobéissance civile offre une nouvelle forme de radicalité politique qui porte le désir de transformer la société. Pour autant, je ne crois pas qu'il s'agisse de devenir des militants de la désobéissance civile pour désobéir en même temps sur tous les fronts de l'injustice, en je ne sais quelle guérilla non-violente contre le système. Nous épuiserions rapidement nos énergies sans parvenir à aucun résultat tangible.

Notre contestation doit bien sûr être globale, mais il ne nous sera possible d'agir efficacement qu'en choisissant nos cibles avec le plus grand discernement. Une campagne de désobéissance civile est longue et difficile à organiser. Face aux inévitables mesures de répression, ceux qui en prennent le risque doivent surmonter la tentation du découragement. Pour que l'action s'inscrive dans la durée, la solidarité entre tous les réfractaires doit être sans faille.

La désobéissance civile doit prendre sa place -rien que sa place mais toute sa place -dans la panoplie des méthodes de régulation et de gestion non-violentes des conflits qui rythment la vie d'une société démocratique. Ce qui contredit la justice, c'est toujours la violence, c'est toujours une violence. C'est donc l'idéologie de la violence qu'il faut déconstruire en construisant une philosophie de la non-violence. Voilà le grand défi du XXlème siècle.

Quatrième de couverture

L'impératif de désobéissance

Fondements philosophiques et stratégiques

de la désobéissance civile

La notion de désobéissance civile connaît aujourd'hui un regain d'intérêt qui n'exclut pas toujours les approximations. Les noms de Thoreau, de Gandhi, de King, étroitement liés à son histoire, font désormais partie de la culture générale. Mais sait-on que l'idée d'une obéissance conditionnelle à l'État et à ses lois émerge, sous la plume d'un John Locke, dès Ie XVIlème siècle, ouvrant ainsi une brèche féconde dans les théories modernes du contrat social ?

Sait-on que la désobéissance civile fut, à l'exemple des universitaires norvégiens en 1942, un des modes de résistance à l'occupation nazie?

Se souvient-on qu'en Pologne, notamment, c'est une authentique campagne de désobéissance civile qui précipita l'effondrement du régime communiste ?

 

De Tolstoï à John Rawls, de la « marche du sel » en Inde aux « enseignants désobéisseurs » en France, ce concept s'est sans cesse enrichi sur les plans philosophiques et stratégiques.

En un dialogue fertile avec les textes fondateurs et les grandes campagnes historiques, l'auteur nous montre ce qu'est la désobéissance civile : avant tout, un impératif éthique d'éprouver la légitimité de la loi et, le cas échéant, la faculté de rompre avec son cadre rassurant. Ce livre, qui se veut aussi un manuel pratique, montre que cette forme d'action directe non-violente, souvent efficace contre la tyrannie, peut et doit également contribuer à la respiration de nos démocraties essoufflées.

 

Philosophe et écrivain, Jean-Marie Muller est membre fondateur du Mouvement pour une alternative non-violente et directeur des études à l'Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits. Auteur de nombreux ouvrages sur la non-violence. dont plusieurs publiés à l'étranger, il a panicipé à de nombreuses actions collectives et animé des formations sur la résistance non-violente à travers le monde entier.

 

L'auteur

Membre fondateur du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN), Jean-Marie Muller est directeur des études à l'Institut de Recherche sur la résolution non-violente des conflits (lRNC).

Philosophe et écrivain, il est l'auteur de nombreux ouvrages de référence sur la non-violence, dont plusieurs ont été publiés à l'étranger.

En 1984, son livre Stratégie de l'action non-violente a été publié dans la clandestinité en Pologne où il a inspiré le mouvement de résistance rassemblé autour du syndicat Solidarnosc.

Conférencier et formateur, il parcourt le monde à l'invitation des mouvements de défense des droits de l'Homme.

Revue de presse

Les Sentiers de la paix, janvier 2012

L'ouvrage de référence sur la désobéissance civile !

 

Babelio, octobre 2011

Ce livre est une mine de questionnements, de remises en questions, de positionnements, de réflexions, d'échanges, bref de tolérance et d'humanisme. Passivité et obéissance sont les mères de dérives trop bien connues, ce livre nous en explique les dangers et constitue un magnifique réquisitoire éducatif et d'éveil à la conscience.

 

Le Courrier, Guillaume Henchoz, 25 août 2011

L'impératif de désobéissance de Jean-Marie Muller est à la fois un essai, un pensum et un manuel de désobéissance civile. Le philosophe qui est aussi un activiste, fondateur du Mouvement pour une alternative non-violente, y dispense une réflexion originale et des conseils précieux.

 

Alternatives non violentes, juin 2011

L'ouvrage que publie Jean-Marie Muller diffère des autres, au sens où l'auteur s'attache à visiter avec sérieux les philosophes pionniers de la désobéissance civile puis les théoriciens modernes, tout en illustrant cette belle réflexion par l'exemple de quelques grandes actions de désobéissance civile. (…) Un ouvrage pertinent.

 

Axelle Magazine, juin 2011

Une véritable nourriture pour l'esprit et l'action !

 

La Presse littéraire, Guy Darol, juin 2011

L'Impératif de désobéissance, une urgence. Un formidable vade-mecum parcouru d'œuvres que la littérature assume et c'est ainsi que la littérature est grande. (…) Moyen de connaissance, elle épaule ceux qui peinent en marchant. Dans ce rassemblement de positions qui ne craignent pas de faire tourner la roue, Jean-Marie Muller, non-violent patenté, expose les lucidités de John Locke, de John Rawls, de Jürgen Habermas, de Ronald Dworkin, de quelques autres encore en un volume actuel. Comme si la pensée en ses actes pouvait agir contre un monde qui confond le plastique et l'éternité des étoiles. Voici le livre qui rêve d'un temps où lire et agir, c'est pareil."

L'écologithèque, juin 2011

L'Impératif de désobéissance est un livre majeur pour la compréhension d'un phénomène qui devrait s'amplifier dans les années à venir.

 

Danactu Résistances, mai 2011

Une belle synthèse, histoire, sociologie, philosophie et actualités du moment, un bel instrument de réflexion, et donc de lutte.