SIGNIFICATION DE LA NON-VIOLENCE

 

Signification de la non-violence
Signification de la non-violence

Sommaire

Partis des forts

La violence est une destruction

La violence d'oppression

La violence des opprimés

La violence de répression

Nécessité du conflit

Non-violence et agressivité

L'importance des moyens

Un dynamisme de l'espérance

Appeler un crime un crime

Les relations inter-personnelles

La spécificité du politique

Morale et politique

Une démonstration de force

Le principe de non-coopération

Les actions de protestation

La grève de la faim

Les actions de contrainte

La grève

Le boycott

La lutte des classes

L'action de César Chavez

Le boycott du café de l'Angola

La désobéissance civile

La vraie figure de Gandhi

La marche du sel

La violence est l'arme des riches

La non-violence est préférable

Questions

Manifeste pour une alternative non-violente

Livres et dossiers disponibles

 

 

Jean-Marle Muller, ancien professeur de philosophie, a abandonné l'enseignement en 1970 pour se consacrer à des travaux de recherche sur la non-violence, ainsi qu'à sa mise en œuvre à la fois au niveau de l'information, de la formation et de l'action. Il assure cette tâche en liaison avec la Communauté de Recherche et d'Action Non-Violente d'Orléans dont il est l'un des responsables.

Son nom est apparu publiquement pour la première fois en janvier 1969, lors de son procès à Orléans où il devait comparaître avec deux autres Orléanais. Alors qu'ils étaient tous trois officiers de réserve, ils étaient jugés pour avoir renvoyé leur livret militaire au ministre de la Défense Nationale. Ils entendaient ainsi manifester publiquement, d'une part, leur refus de collaborer avec la politique militaire mise en œuvre par le gouvernement français et, d'autre part, leur volonté d'assumer leurs responsabilités civiques par les moyens de la non-violence active. Ils étaient alors condamnés à trois mois de prison avec sursis, mille francs d'amende et cinq ans de privation des droits civiques.

En juin 1970, il entreprenait, avec Jean Desbois, une grève de la faim de deux semaines pour protester contre la vente de seize « Mirage » au gouvernement brésilien. Cette action eut un grand retentissement dans l'opinion publique et reçut le soutien de nombreux mouvements et personnalités.

Jean-Marie Muller a publié deux livres aux Editions Fayard. Dans son premier ouvrage, « L'Evangile de la non-violence » (traduit en allemand, italien et espagnol), il souligne les insuffisances et les contradictions de la théologie de la violence légitime et de la guerre juste, et il présente la non-violence comme l'une des exigences essentielles du christianisme. Dans son second livre, « Stratégie de l'action non-violente » (traduit en portugais et en italien), il développe les principes de la stratégie non-violente et présente les moyens tactiques qui permettent d'atteindre une réelle efficacité politique.

En 1972, il fait un séjour prolongé aux Etats-Unis où il rencontre de nombreux responsables des mouvements non-violents de ce pays. il prépare actuellement, en collaboration avec Jean Kalman, un livre sur l'action de César Chavez, le leader non-violent des travailleurs agricoles aux Etats-Unis.

En 1973, il participe à l'action du « Bataillon de la paix » menée dans le Pacifique pour protester contre les essais nucléaires français. Il se trouve, en compagnie de Jacques de Bollardière, à bord du Fri lorsque celui-ci est arraisonné par la marine nationale à l'intérieur de la zone interdite. Lorsque la bombe explosera, il sera détenu dans la prison militaire de la base de Hao. Après sa déclaration condamnant les essais nucléaires, le Père Riobé, évêque d'Orléans, précisera : « Si je suis intervenu, c'est parce qu'il y a des incidences locales, c'est parce que je suis en communion de pensée avec la Communauté non-violente d'Orléans et c'est parce que je suis personnellement en union avec Jean-Marie Muller qui est l'un de ceux qui sont actuellement dans le Pacifique ».

Jean-Marie Muller a relaté cette action dans une brochure de 52 pages intitulée « La bombe en question » (Numéro spécial de Combat Non-Violent).

Du 25 au 31 octobre 1973, Jean-Marie Muller participe à Moscou au Congrès Mondial des Forces de Paix. Du 22 au 28 février 1974 il prend part, à Medellln (Colombie) à la « Conférence pour la stratégie non-violente de libération en Amérique Latine ».

MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE NON-VIOLENTE

Sur la base de ce manifeste, plusieurs groupes non-violents français (dont la Communauté de Recherche et d'Action non-Violente d'Orléans) se sont regroupés pour former le Mouvement pour une Alternative Non-Violente.

I

La rencontre de la violence dans le monde nous fait prendre conscience que « la vraie vie est absente » et la volonté de « changer le monde et la vie » nous engage dans le dynamisme de la non-violence. La non-violence, en nous libérant de la fatalité de la violence qui semblait peser sur l'homme et sur l'histoire, nourrit alors une nouvelle espérance, un nouveau bonheur, une nouvelle culture.

Il

La violence ne saurait être mise toujours sur le compte de la méchanceté ou de la mauvaise volonté. Elle remplit souvent dans notre société des fonctions nécessaires, qu'il s'agisse de défendre la liberté ou de combattre pour la justice. Aussi ne s'agit-iI pas tant de condamner la violence que de rechercher une alternative à la violence. La non-violence ne saurait donc se définir par le seul refus des moyens violents : elle implique la recherche et la mise en œuvre de méthodes et de techniques visant à une réelle efficacité.

III

L'engagement dans la non-violence nous oblige à mettre en lumière les mécanismes qui engendrent la misère, l'oppression, la révolte et la violence. Il ne nous est pas permis de condamner pareillement .. toutes les violences, quelles qu'elles soient et d'où qu'elles viennent. Nous. ne devons pas mettre sur un même plan la violence des riches et des puissants qui s'efforcent de maintenir leur domination et de défendre le désordre établi ; et la violence des opprimés qui s'efforcent de conquérir leur dignité et leur liberté.

Si, face à l'injustice, le choix n'était qu'entre la résistance violente et la collaboration résignée, alors mieux vaudrait choisir la violence. Ceux qui ont choisi cette voie, en prenant pour eux-mêmes les plus grands risques, méritent notre respect et notre solidarité.

IV

Le combat non-violent implique une attention particulière à la dimension politique des événements. Il exige :

• une information permanente,

• une analyse politique et économique rigoureuse,

• un projet politique,

• l'élaboration et la mise en œuvre d'une stratégie.

La non-violence ne doit point s'enfermer dans la contestation, elle doit aussi élaborer la gestion de la nouvelle société qu'elle veut édifier, par la réalisation d'un programme constructif.

V

L'action non-violente entend épuiser les moyens de PERSUASION, mals elle ne se Iimte pas à ceux-ci. Le moment venu, elle n'hésite pas à recourir à des moyens de PRESSION et de CONTRAINTE qui visent à faire céder l'adversaire et à mettre fin à l'injustice. Elle est alors la mise en œuvre d'une force capable d'offrir de plus grandes chances à l'amour et à la vérité. Pour ne pas se contredire, l'action non-violente exige :

• un accord profond entre les moyens utilisés et la fin poursuivie,

• une visée de réconciliation et de justice, non de vengeance ou d'écrasement,

• le refus de toute parole ou de tout acte qui enfermerait l'adversaire dans sa propre violence et lui offrirait un prétexte pour venir la justifier.

VI

Le principe essentiel de la stratégie de l'action non·violente est le principe de non-coopération ou de non-collaboration. Il se fonde sur l'analyse suivante : la force des injustices dans une société vient de ce qu'elles bénéficient de la coopération de la majorité des membres de cette société. Par l'organisation d'actions collectives, cette stratégie vise non pas la prise du pouvoir POUR le peuple, mals l'exercice du pouvoir PAR le peuple.

La non-violence nous conduit donc à des actions de rupture avec le désordre établi, pouvant aller jusqu'à la désobéissance civile lorsque les possibilités offertes par la loi ont été épuisées en vain.

VII

La non-violence ne reprend pas à son compte, ni au niveau de l'analyse ni à celui du projet, les affirmatIons abusi-vement simplificatrices du pacifisme et de l'antimilitarisme tels qu'Ils se sont exprimés traditionnellement. Là encore, plutôt que de multiplier les condamnations dont l'expérience nous a appris qu'elles étalent inopérantes, la non-violence s'efforce de rechercher les moyens d'une défense civile non-violente qui puissent permettre à la population d'organiser une véritable résistance en cas d'agression.

Dans cette perspective, la non-violence nous amène à préconiser l'objection de conscience face à la guerre et sa préparation. Cela implique notamment le refus du service militaire et son remplacement par un service civil qui soit l'occasion d'une recherche théorique et pratique des méthodes d'actions non-violentes capables de promouvoir la justice sociale et d'assurer la sécurité des communautés.

VIII

La non-violence nous amène à partager l'analyse et la recherche de ceux qui dénoncent à la foils l'incapacité du capitalisme à organiser la société selon les exigences de la justice et l'incapacité du socialisme étatique à l'organiser selon les exigences de la liberté. La non-violence, par le dynamisme propre à son esprit et à ses méthodes, nous amène à promouvoir un « socialisme à visage humain », fondé sur la co-responsabilité et l'autogestion.

Dans cette perspective, nous sommes conduits à dénoncer les aspects aliénants du cycle « production-consommation », caractéristique des sociétés Industrielles avancées. Cela implique une réorientation des besoins inséparables de la recherche d'une meilleure qualité de vie.

IX

La liberté, l'égalité et la fraternité exigent, pour être vécues en société : en même temps, une révolution des structures et une transformation des mentalités et des comportements personnels, ouvertes à la redécouverte d'un sens communautaire. Cette évolution et cette transformation devant se conjuguer dans un mouvement dialectique, nous n'avons pas le loisir d'attendre que l'une soit achevée pour commencer l'autre. En développant à l'intérieur même du conflit, la maîtrise de soil, le respect de l'autre et le sens de la responsabilité, l'action non-violente permet d'entreprendre l'une et l'autre, dès maintenant.

X

Nous devons résister à la tentation de toujours parler de la révolution des autres, sans nous engager et nous compromettre chez nous. Tout problème doit être abordé par les aspects où nos responsabilités se trouvent directement engagées. C'est à ce niveau que nous pouvons et, par conséquent, nous devons agir.

Ceux qui ont choisi la non-violence n'ont pas à s'iIsoler dans leur recherche de la justice et de la paix. Ils ont à s'engager dans les divers mouvements et les diverses organisations qui travaillent déjà dans ce sens, en y faisant valoir le bien-fondé des méthodes de l'action non-violente. Cependant ils ont aussi à se regrouper pour approfondir les exigences et les possibilités de la non-violence et prendre dès maintenant l'initiative d'actions non-violentes auxquelles le plus grand nombre puisse participer.

La réflexion sur la non-violence et l'action qu'elle préconise devraient rassembler pour un même combat et un même débat, tous ceux qui, venant d'horizons philosophiques ou religieux divers, ont également faim et soif d'une vraie justice.

Quatrième de couverture

L'homme, dans ce monde de conflits et de tensions, n'a-t-il de choix qu'entre une passivité résignée, un lâche renoncement à l'exgience impérieuse de libération qui constitue son être, ou la dégradation de son agressivité naturelle en une violence meurtrière qui détruit ce qu'il y a d'humain en lui ?

La non-violence est une idée neuve qui perce une terre aride et pousse à travers les décombres des espoirs ruinés avec l'indomptable puissance de vie des jeunes plantes qui cherchent la lumière. Elle s'enracine dans l'espérance, se nourrit de la force de la justice.

                                                                                             Jacques DE BOLLARDIÈRE